Depuis l’élection présidentielle du 12 octobre, le Cameroun est en ébullition. Tandis que l’opposant Issa Tchiroma Bakary s’est déclaré vainqueur, les citoyen·nes se mobilisent pour contrôler le décompte des votes, face à un pouvoir prêt à tout pour maintenir Paul Biya à la tête du pays malgré ses 92 ans.
Depuis, c’est plutôt la tension qui règne : le favori de l’opposition, Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre et président du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), a annoncé sa victoire dans la nuit du 13 au 14 octobre, tandis que les autorités et les supporters du président en place, Paul Biya, menacent quiconque publierait des résultats avant le Conseil constitutionnel. Voici donc le Cameroun plongé dans une crise postélectorale, qui n’a rien d’inédit, ni dans le pays ni ailleurs. Les remises en cause des verdicts se sont multipliées ces dernières années, du Kenya au Brésil, en passant par les États-Unis, dans des pays où l’histoire politique est particulièrement conflictuelle et violente.
Au Cameroun, une contestation massive a bien eu lieu en 1992, dans le sillage de fortes mobilisations (celles des « villes mortes »), puis en 2018, quand le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) estimait avoir gagné le scrutin.
Les mobilisations actuelles se distinguent à la fois par leur intensité et leur précocité – avant même que des résultats officiels soient prononcés – et par leur enjeu : il s’agit d’imposer ce que le candidat Issa Tchiroma Bakary a appelé « la vérité des urnes », c’est-à-dire des résultats conformes aux votes exprimés. C’est bien là la singularité de ces luttes, en ligne et désormais dans la rue : dans un pays où la confiance dans les institutions est faible, où les fraudes électorales passées ont été admises par certaines autorités, où les « faux » (papiers, diplômes, observateurs internationaux) sont régulièrement débusqués, partis d’opposition, militants de la société civile, citoyens, ont décidé de dévoiler leur propre vérité électorale contre celle des autorités chargées du décompte des voix.
Une mobilisation électorale inattendue
Les règles du jeu électoral sont disputées depuis le retour du multipartisme, en 1990. Les appels à la réforme émanent des partis d’opposition, de l’Église catholique, des ONG et de quelques partenaires internationaux. Ils portent sur le mode de scrutin de l’élection présidentielle (actuellement à un tour, favorisant le candidat en place), le matériel électoral (pour l’adoption d’un bulletin unique, plus difficile à falsifier, pour un enregistrement et une authentification biométriques complètes), ou encore pour l’indépendance des institutions en charge d’organiser et de superviser les scrutins. À chaque échéance, des demi-mesures sont prises, qui satisfont aux attentes de ceux qui les financent, mais pas à celles des partis politiques qui boycottent certains scrutins.
Face à ces règles biaisées, face aussi à des pratiques frauduleuses avérées quoique difficiles à détecter compte tenu du manque d’observateurs accrédités, et de la présence de scrutateurs partisans, le taux de participation électorale chute tout au long des années 1990-2010. En 2018, à peine