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vendredi, octobre 24, 2025

Trente ans après, la vérité sur la mort du juge Borrel face au secret défense

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Justice

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il n’y a eu que trois assassinats de magistrats français. Le juge Renaud le 3 juillet 1975 à Lyon, le juge Michel le 21 octobre 1981 à Marseille, et le juge Borrel le 18 octobre 1995 à Djibouti. Ce dernier crime reste sans doute le plus mystérieux. Trente ans après, le mobile reste incertain et personne n’est mis en examen. Va-t-on vers un non-lieu ? Pour la veuve du juge assassiné, qui est elle-même magistrate – aujourd’hui à la retraite – et pour ses deux fils, il n’en est pas question. « Le dossier criminel est au point mort, mais il est toujours en cours », précise cette veuve courageuse, qui a déjà remporté une victoire capitale.

Jusqu’en 2007, la justice française privilégiait l’hypothèse d’un suicide de ce magistrat de 40 ans, dont le corps calciné avait été retrouvé dans un ravin à 80 km de la ville de Djibouti. Et cette thèse de l’immolation par le feu arrangeait bien les deux États. Mais en juin 2007, le procureur de la République de Paris a enfin reconnu par communiqué qu’il s’agissait d’un « acte criminel ».

Et en juillet 2017, de nouvelles expertises judiciaires sont venues accréditer la thèse du meurtre. Le rapport d’un collège d’experts a noté que « les fractures du crâne et de l’avant-bras gauche ne sont pas d’origine thermique et sont compatibles avec des coups portés par un tiers ». En clair, le juge a été tué, puis son corps a été déplacé jusque dans ce ravin où on y a mis le feu.

« J’ai réussi à faire reconnaître l’assassinat, je veux désormais en connaître le mobile, ses auteurs et ses commanditaires », déclare la veuve. Des pistes, il y en a au moins deux. À Djibouti, Bernard Borrel était coopérant au ministère djiboutien de la Justice. Il est possible qu’il ait eu connaissance de certaines complicités dans l’attentat terroriste du Café de Paris, qui avait fait un mort – un enfant français de 9 ans – le 27 septembre 1990 dans la capitale djiboutienne.

Il se peut aussi qu’il se soit intéressé à un trafic d’uranium enrichi de qualité militaire à destination d’un pays du Moyen-Orient, car on a retrouvé dans ses papiers une note manuscrite sur laquelle étaient listés des noms de produits entrant dans la production de cet uranium. Autre indice, quelques heures avant sa mort, le juge avait retiré en liquide la somme de 50 000 francs français [7600 euros], qu’il avait laissée ensuite à son domicile. Faisait-il l’objet d’un chantage ? Ou voulait-il acheter un échantillon de ce produit ultra-sensible ? Le mystère demeure.

« C’est une question franco-française », déclare le président djiboutien

En janvier 2000, l’affaire a pris un tour très politique quand un ex-officier de sécurité djiboutien s’est enfui en Belgique et a accusé le chef de cabinet du président Hassan Gouled Aptidon d’avoir échangé avec plusieurs responsables de la sécurité du régime dans les jardins du palais présidentiel djiboutien le jour même où le corps de Bernard Borrel a été découvert. Selon ce transfuge du pouvoir djiboutien, l’un des interlocuteurs aurait déclaré : « Le juge fouineur est mort et il n’y a plus de traces. »

Le président de la République a alors apporté un démenti catégorique. « C’est de la pure affabulation », a précisé l’un de ses proches. Et depuis ce témoignage à charge, le Président djiboutien nie toute implication de son pays et de lui-même dans la disparition du magistrat français. « C’est une question franco-française. Les Djiboutiens n’ont strictement rien à voir là-dedans. C’est eux [les juges français] qui disent qu’il [Bernard Borrel] a été assassiné.

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