Martin Scorsese a failli grandir au paradis, en l’occurrence, un quartier pavillonnaire et verdoyant de Queens. Mais il en a été chassé avec sa famille et le petit garçon asthmatique a passé son enfance à contempler Elizabeth Street, artère mineure de Little Italy, dans le sud de Manhattan, depuis la fenêtre du petit appartement où le cantonnait la maladie.
On vient à peine de franchir le seuil des cinq heures que l’on passera en compagnie de l’auteur, et déjà Rebecca Miller a démontré qu’elle est en mesure de regarder le sujet de son film dans les yeux. Jamais Scorsese n’avait raconté avec un tel luxe de détails ses premières années. Plus encore, jamais interrogateur n’était parvenu à faire apparaître avec une telle évidence les liens entre la vie d’un enfant grandi dans l’un des quartiers les plus pauvres et les plus dangereux de New York et l’œuvre d’un des plus grands créateurs de l’histoire du cinéma.
Paradoxalement, c’est une enfant du sérail qui tire le portrait de cet éternel marginal. Le premier documentaire de Rebecca Miller était consacré à son père, dramaturge de renom. Elle a étudié à Yale, fut un temps actrice avant de se faire romancière et réalisatrice. Elle est aussi l’épouse de Daniel Day-Lewis, qui a joué dans deux longs-métrages de Scorsese.