Le festival place la protection de l’enfance au premier plan
Des chansons ont retenti dans les jardins de l’Institut français de Brazzaville à l’ouverture du Festival des Droits de l’Enfant le 14 novembre. Sous de grandes toiles, des élèves de Talangaï se sont mêlés à des jeunes en situation de rue, dessinant des fresques qui exprimaient une seule demande : la sécurité.
Le coordinateur a rappelé à la foule que ce rassemblement précède la Journée mondiale de l’enfance du 20 novembre, le présentant comme une réponse locale à un engagement mondial. « Notre ville ne peut prospérer si un seul enfant dort sous un kiosque », a-t-il déclaré aux participants.
Des estimations indiquent que plusieurs milliers de mineurs errent dans les deux principales villes du Congo, exposés à la violence et au travail dangereux. Le thème du festival – protéger les enfants des rues contre les abus – a donc résonné bien au-delà des murs du lieu.
La société civile et les donateurs unissent leurs forces
Le Réseau des intervenants sur le phénomène des enfants en rupture (REIPER) a orchestré l’événement avec le soutien de l’ONG française Apprentis d’Auteuil et un financement de l’Agence française de développement. Ce partenariat incarne un modèle salué pour allier expertise locale et financement international.
Des ateliers ont associé des travailleurs sociaux à des formateurs de théâtre pour rédiger de courtes pièces qui feront une tournée dans les marchés de Brazzaville et de Pointe-Noire en décembre. Chaque scénario se termine en affichant le numéro vert 2231, un moyen discret pour les enfants ou les témoins d’alerter les services.
La chargée de projet chez Apprentis d’Auteuil a déclaré que cette alliance va au-delà de la charité. « Nous concevons conjointement des outils de prévention avec les enfants eux-mêmes, car ils comprennent mieux les codes de la rue que les adultes », a-t-elle expliqué.
Des engagements des services de sécurité
Des invités en uniforme ont reçu de longs applaudissements le deuxième matin. Représentant la gendarmerie nationale, le commandant Aurélien Ngadia a déclaré que son corps « ne relâchera pas sa vigilance contre les violences commises sur les mineurs ». Ses propos faisaient écho à une directive du ministère de l’Intérieur appelant à un engagement policier humain envers les jeunes vulnérables.
Les observateurs notent que les signaux positifs des forces de l’ordre sont vitaux. Un rapport cite des progrès, signalant une baisse des détentions arbitraires depuis la publication de la directive.
La ligne d’assistance 2231 gagne en visibilité
Pendant tout le festival, des volontaires ont invité les familles à tester la ligne d’assistance 2231, mise en place dans le cadre de la Loi sur la protection de l’enfant de 2010 au Congo. Les appels sont gratuits, anonymes et acheminés vers un centre de tri géré par REIPER dans le district de Makélékélé.
Les opérateurs reçoivent en moyenne 60 alertes par semaine. « Une sonnerie peut sauver une vie », a répété le superviseur de la ligne via un mégaphone devant un cercle d’élèves du primaire jonglant avec des ballons.
Contexte politique et perspectives budgétaires
La stratégie nationale du Congo pour la protection de l’enfance, adoptée en 2023, alloue 4,3 milliards de FCFA sur cinq ans pour développer les refuges et les programmes de réinsertion. Des responsables du ministère des Finances confirment que la première tranche a été débloquée en septembre, priorisant Brazzaville et Pointe-Noire.
Des analystes considèrent cette allocation comme modeste mais symboliquement forte, intervenant alors que les États de la CEMAC harmonisent leurs seuils de dépenses sociales. Les donateurs espèrent qu’un financement national régulier rassurera les partenaires et ouvrira des fenêtres de cofinancement.
Les réalités de la rue restent redoutables
Une sociologue, qui suit les migrations vers la rue depuis 2018, avertit que les budgets seuls ne peuvent enrayer les causes profondes. Elle énumère l’éclatement des familles, la pauvreté rurale et les flux miniers informels attirant les adolescents vers les villes. « Tant que les moyens de subsistance ne s’améliorent pas à l’intérieur du pays, le flux d’enfants vulnérables reste ouvert », a-t-elle déclaré.
Elle a toutefois noté que des festivals comme celui de cette semaine offrent des plateformes rares où les décideurs entendent des histoires non filtrées. « La visibilité se transforme en coût politique si rien ne change », a-t-elle ajouté, évoquant l’élan que la société civile peut exercer.
Les enfants prennent le micro
Le moment le plus poignant du festival est survenu lorsque Atouba, 16 ans, est monté sur scène, une guitare à la main. Abandonné à neuf ans, il encadre maintenant des pairs plus jeunes dans un centre d’accueil de REIPER. Sa ballade, intitulée « Mbote Mwana », a suscité des acclamations et quelques larmes dans le public.
Lors d’un bref échange ensuite, Atouba a déclaré se sentir « vu pour la première fois par des adultes qui font les lois ». Peu après, il était entouré d’agents du ministère des Affaires sociales discutant des options de bourses. Pour de nombreux spectateurs, cette rencontre incarnait l’objectif de l’événement.
Prochaines étapes après le coup de projecteur
Les organisateurs prévoient de faire circuler un mémo de recommandations au bureau du Premier ministre avant la fin de l’année, exhortant à l’intégration d’indicateurs sur les enfants des rues dans le recensement numérique du Congo prévu pour 2026. Ils souhaitent également que la ligne d’assistance prolonge ses heures d’ouverture au-delà de minuit, moment où de nombreux incidents se produisent.
Le coordinateur Joseph Bikié Likibi estime que l’élan est de leur côté. « Notre défi est de transformer l’énergie du festival en une vigilance tout au long de l’année », a-t-il déclaré, annonçant des cafés de suivi trimestriels entre la police, les ONG et les représentants des jeunes. « La rue ne prend pas de vacances », a-t-il conclu, suscitant l’approbation des partenaires.