L’écho de l’armistice à Brazzaville
Une légère brume matinale persistait sur le Mémorial aux Morts du centre-ville de Brazzaville lorsqu’un clairon militaire annonça le début de la commémoration du 11 novembre. Cent sept ans après que les armes se soient tues en Europe, la capitale congolaise fit une pause pour se souvenir du moment où la Première Guerre mondiale prit fin.
Le ministre de la Défense nationale a dirigé la cérémonie, déposant une gerbe de roses blanches et rouges au pied de la stèle de granit. À ses côtés se tenaient l’ambassadrice de France, le consul général de Bruxelles et le préfet de Brazzaville, reflétant l’héritage multinational du conflit.
Des détachements en uniforme des Forces armées congolaises ont présenté les armes tandis qu’une salve de canon unique roulait sur le fleuve Congo. Le bref rituel, solennel mais inclusif, a donné le ton d’une gratitude collective qui a encadré chaque discours, lecture et chant interprété sur la place de Gaulle tout au long de la matinée.
Les officiels et diplomates renforcent les liens
Dans un bref discours, le ministre a décrit l’armistice comme « une étape qui nous rappelle le prix de la paix », soulignant l’engagement continu du Congo aux côtés de partenaires internationaux dans la coopération en matière de sécurité. Ses paroles ont fait écho aux récents exercices conjoints menés avec des instructeurs français à Pointe-Noire.
L’ambassadrice a ensuite pris la parole, notant que Brazzaville a servi de capitale à la France libre en 1940-44 et reste « un symbole vivant de l’amitié entre nos peuples ». Elle a remercié les autorités congolaises pour la préservation des sites mémoriels qui permettent aux jeunes générations de saisir le coût humain des conflits mondiaux.
Les élèves font revivre les lettres du front
Le moment le plus poignant est venu des élèves du Lycée Saint-Exupéry et de l’École militaire préparatoire Général Leclerc, qui ont lu des passages écrits dans les tranchées boueuses par André Fribourg et Maurice Genevoix. Leurs voix, amplifiées sur la place, ont transporté l’auditoire vers des nuits où des soldats épuisés « dormaient debout, à genoux, même sous le feu des fusils ».
Des parents dans la foule ont essuyé des larmes tandis que les adolescents prononçaient chaque détail saisissant de privation et de détermination. L’attaché de défense français a observé plus tard que l’exercice liait l’analyse textuelle au devoir civique, « rendant l’histoire tangible et plantant une graine de vigilance contre les nouveaux conflits ».
Se souvenir des troupes d’Afrique centrale
L’attaché de défense a également insisté sur une troisième dimension spécifique aux cérémonies organisées au sud du Sahara : honorer les soldats africains qui se sont ralliés à l’Entente. Dès 1914, des hommes du Moyen-Congo, de l’Oubangui-Chari et du Cameroun ont marché dans des conditions difficiles vers des fronts s’étendant du Togo au front occidental.
Les historiens estiment que plus de 17 000 soldats et porteurs ont quitté l’actuel Congo pour les théâtres européens et africains, un chiffre encore en cours d’affinement à mesure que les archives sont numérisées. Leur contribution est longtemps restée en arrière-plan des récits coloniaux.
En mettant en lumière leurs histoires, les organisateurs visent à favoriser la fierté nationale ainsi que la cohésion régionale. « Ces soldats ont défendu des idéaux qui dépassent les frontières », a-t-on fait remarquer, invitant les auditeurs à voir le souvenir comme un exercice inclusif plutôt que comme une importation européenne.
De Mbirou à Versailles, le lien congolais
Les orateurs ont à plusieurs reprises cité la bataille de Mbirou en 1914 près d’Ouesso, où les troupes d’Afrique centrale ont repoussé les tentatives allemandes de s’emparer de la rivière Sangha. L’escarmouche, bien que modeste en ampleur, a retardé les avancées ennemies vers Brazzaville et a sauvegardé un corridor d’approvisionnement vital pour l’Entente.
Les archives régionales décrivent comment la colonne du lieutenant Georges Tingry, renforcée par des recrues congolaises, a tenu des tranchées rudimentaires pendant trois jours jusqu’à l’arrivée des renforts de Fort-Crampel. L’action a valu des citations à l’unité à Paris mais résonne localement comme la preuve que le territoire congolais n’était pas seulement une arrière-base mais un théâtre actif.
Moins de cinq ans plus tard, l’armistice signé dans un wagon à Compiègne a ouvert la voie au traité de Versailles. Pour beaucoup à Brazzaville, cet arc diplomatique illustre comment des décisions prises à des milliers de kilomètres ont pu façonner les trajectoires politiques et sociales le long du fleuve Congo.
Mémoire, paix et horizon civique
Alors que la cérémonie se terminait avec les deux hymnes nationaux, les participants ont observé une minute de silence. Derrière cette immobilité se cachaient des préoccupations actuelles : le maintien de la paix régional, la lutte contre le terrorisme au Sahel et les missions de casques bleus où servent aujourd’hui les troupes congolaises. Les officiels ont souligné que les leçons de 1918 informent la posture de la république dans les forums multilatéraux.
Au-delà de la sphère militaire, les groupes de la société civile ont utilisé ce rassemblement pour promouvoir le tourisme patrimonial. Des visites guidées vers les forts de l’époque coloniale autour de Brazzaville et d’Ouesso sont en cours de planification par le ministère de la Culture et des ONG locales, espérant transformer le souvenir en un atout économique pour les communautés.
Pour les étudiants qui ont plié le drapeau tricolore et le drapeau congolais à la fin de la journée, le jour de l’Armistice a mêlé réflexion et aspiration. « Nous comprenons que la paix n’est pas héritée, elle se construit », a déclaré la cadette de 17 ans Prisca Moukandi. Ses paroles, portées par une douce brise fluviale, ont résumé la pertinence durable de la cérémonie.