Arriérés de salaires persistants alarmants pour la main-d’œuvre
À la Société des postes et de l’épargne du Congo, l’ambiance dans les salles de tri et les compteurs des succursales rurales est devenue anxieuse alors que l’arriéré de salaires atteint 63 mois, selon la Fédération des postes et télécommunications. De nombreux employés déclarent emprunter à des proches pour couvrir le transport jusqu’au travail.
Certains employés de Brazzaville racontent avoir manqué des frais de scolarité et des factures médicales, tandis que leurs homologues de Makoua parlent de vendre des excédents de récolte en dessous du prix du marché pour survivre. Le syndicat estime le total des arriérés à plus de 6,8 milliards de francs CFA.
Chronologie des négociations
La fédération a organisé un sit-in devant le siège de l’entreprise en février, répétant une demande soulevée pour la première fois en 2021. Les dirigeants portaient des pancartes exhortant à la « compétence et aux salaires ». La police a maintenu un périmètre discret ; aucun incident n’a été signalé.
Les pourparlers ont repris la semaine suivante sous la médiation du Ministère des Postes, des Télécommunications et de l’Économie Numérique. Le porte-parole du syndicat déclare que le dialogue est « constructif mais lent », ajoutant que les travailleurs s’attendent à un calendrier « qui remet de la nourriture sur les tables familiales avant juillet ».
Le gouvernement met l’accent sur les obstacles structurels
Des hauts fonctionnaires soulignent que Sopeco, une entreprise publique créée en 2001, doit transformer son réseau historique à l’ère de la monnaie mobile et des coursiers privés. « La question des salaires est indissociable de la réforme du modèle économique », note le Directeur Général du Portefeuille de l’État.
Le ministère indique qu’un audit terminé fin 2023 a révélé des fuites de revenus dues à des systèmes comptables obsolètes et à des boîtes postales sous-tarifées. Les recommandations incluent la numérisation des services financiers, la location de biens immobiliers inutilisés et la recherche d’un partenaire stratégique, éventuellement au sein de l’Union Postale de l’Afrique Centrale.
Impact économique au-delà de la masse salariale
Les économistes avertissent que des arriérés prolongés affaiblissent la demande des consommateurs dans les petites villes où les salaires postaux circulent. À Owando, une épicière déclare que le chiffre d’affaires mensuel a chuté de « près d’un tiers » depuis 2022 parce que les fonctionnaires et les employés des postes achètent à crédit ou reportent les commandes en gros.
Un analyste de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières d’Afrique Centrale observe que les arriérés « déforment également les comportements d’épargne et érodent la confiance dans les prêts garantis par la masse salariale, affectant les institutions de microfinance déjà exposées aux fluctuations des prix des matières premières ».
Stratégies d’adaptation des travailleurs et tissu social
Lors d’entretiens menés au centre de distribution de Talangaï, plusieurs agents postaux révèlent des activités parallèles telles que la conduite de taxis-motos, la couture ou la culture du manioc. Ils soulignent leur dévouement au service public, mais craignent que ces distractions n’érodent les normes de qualité postale promises dans le cadre de l’Obligation de Service Universel.
Une trieuse de courrier à la retraite, qui élève maintenant ses petits-enfants avec une modeste pension, fait don de riz de base à d’anciens collègues deux fois par mois. « La poste symbolisait autrefois la fiabilité ; nous ne pouvons pas la laisser s’effondrer », dit-elle, essuyant la sueur sur des enveloppes empilées pour l’expédition rurale.
Réponse de l’État et contexte budgétaire
La loi de finances 2024 alloue 4,2 milliards de francs CFA à la « stabilisation du secteur postal et de l’épargne », une ligne supérieure aux 3,5 milliards de l’année dernière. Les responsables soutiennent que le règlement des arriérés de Sopeco doit être équilibré avec les engagements dans les domaines de la santé, de la sécurité et des infrastructures.
Une membre de la Commission des Affaires Économiques parlementaire indique qu’un crédit supplémentaire pourrait être demandé au second semestre, en fonction des performances des recettes pétrolières et des licences de télécom. « Nous avons une marge de manœuvre budgétaire limitée mais ne pouvons pas ignorer les employés qui maintiennent la circulation du courrier essentiel », note-t-elle.
Le saut numérique comme remède à long terme
Le plan gouvernemental « Congo Numérique 2025 » envisage de transformer les bureaux de poste en centres communautaires de services électroniques offrant le paiement de factures, l’enrôlement biométrique et le retrait de colis e-commerce. Les données du ministère montrent que les succursales pilotes de Pointe-Noire et Dolisie ont traité 18 000 opérations de monnaie mobile au premier trimestre.
Une consultante soutient que le succès dépend de la reconversion du personnel existant plutôt que de la dépendance à l’égard de techniciens expatriés. « Les postiers comprennent la confiance des clients locaux ; les équiper de tablettes et d’incitations à la vente pourrait rapidement augmenter les revenus et créer le flux de trésorerie nécessaire à la régularisation des salaires », suggère-t-elle.
Feuille de route syndicale-gouvernementale en discussion
Fin avril, les négociateurs avaient esquissé une séquence provisoire : paiement immédiat de deux mois de salaires sur le fonds de stabilisation, règlement des arriérés 2019-2021 via des bons du Trésor remboursables dans les banques commerciales, et un comité de restructuration parallèle pour finaliser un partenariat stratégique d’ici décembre.
Les dirigeants syndicaux saluent les grandes lignes mais insistent sur un calendrier légalement contraignant. Les conseillers gouvernementaux soulignent que l’émission d’obligations nécessite l’approbation du parlement et la coordination avec la banque centrale régionale, qui surveille les conditions de liquidité dans toute la zone CEMAC.
Optimisme prudent parmi le personnel
Devant le bureau de poste principal de Brazzaville, un agent de guichet exprime un espoir mesuré. « Nous sommes restés en service pendant la pandémie et les élections. Si les promesses se traduisent par des alertes de paie sur nos téléphones, le moral rebondira et les clients le remarqueront », dit-il avant d’affranchir un colis à destination d’Impfondo.
Prochaines étapes vers un allègement salarial
Les analystes affirment qu’une résolution rapide renforcerait la perception des investisseurs quant à l’engagement du Congo en faveur de la réforme du secteur public, tandis qu’un échec pourrait nuire à la confiance avant l’examen macroéconomique à mi-parcours avec le FMI. Pour l’instant, les enveloppes continuent de circuler, même si les fiches de paie accusent un retard.
Les prochaines semaines testeront si le dialogue peut convertir les chiffres des tableurs en crédits bancaires pour des milliers d’employés postaux dévoués.