Brazzaville s’engage dans des réformes industrielles audacieuses
Devant les dirigeants d’entreprise à Brazzaville, le ministre du Développement industriel a réaffirmé que le Congo déploierait « des politiques industrielles ambitieuses et inclusives » au cours de la prochaine décennie. Cet engagement, pris lors de la Journée de l’industrialisation de l’Afrique, place l’industrie au cœur du modèle de croissance du gouvernement.
Le ministre a souligné que cette impulsion industrielle complète le Plan national de développement du Président Denis Sassou N’Guesso, qui oriente déjà les dépenses publiques vers l’énergie, la logistique et les zones économiques spéciales. « Notre objectif est de doubler la part de l’industrie manufacturière dans le PIB d’ici 2030, puis de maintenir cette progression », a-t-il déclaré, sans divulguer de chiffres budgétaires.
Un communiqué du ministère ajoute que les réformes moderniseront la réglementation, développeront les autorisations numériques et offriront des allégements fiscaux ciblés pour l’agro-transformation, la transformation du bois et la mécanique légère. Les mesures répondent aux demandes de longue date des investisseurs pour des procédures simplifiées et des tarifs prévisibles.
L’Agenda 2063 et la ZLECAf au cœur de la stratégie
Les planificateurs congolais alignent la nouvelle stratégie sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine et la Zone de libre-échange continentale africaine, qui promeuvent tous deux l’autonomie collective. D’ici 2030, la ZLECAf pourrait augmenter le commerce intra-africain de 33%, une perspective que Brazzaville considère comme un catalyseur.
Il a été noté que l’industrie africaine génère actuellement environ 700 dollars de PIB par habitant, soit cinq fois moins qu’en Asie de l’Est. « Combler cet écart exige des chaînes de valeur transfrontalières, et non des usines isolées », a-t-il été souligné.
Le ministère estime que les réserves de bois, de gaz et de potasse du Congo peuvent alimenter des pôles de transformation régionaux une fois les barrières tarifaires et logistiques levées. Des discussions avec le Cameroun et le Gabon ont commencé sur un système conjoint de certification du bois conçu pour répondre aux normes de durabilité européennes d’ici 2027.
Des incitations pour dynamiser le capital privé
Les fabricants nationaux saluent l’initiative. Un groupe estime que les entreprises locales pourraient ajouter 40 000 emplois qualifiés si les coûts du crédit diminuent.
De nouvelles réglementations à l’étude à l’Assemblée nationale permettraient aux banques d’utiliser les créances d’exportation futures comme garantie, une pratique courante dans le secteur du cacao en Côte d’Ivoire. Cette règle pourrait débloquer 150 millions de dollars de prêts sur trois ans.
Les partenaires internationaux montrent également de l’intérêt. La Banque africaine de développement a confirmé des discussions pour une ligne de crédit de 120 millions de dollars afin de financer des équipements verts dans la zone industrielle de Pointe-Noire. Ce programme s’inspire du soutien réussi de la banque dans la zone de Diamniadio au Sénégal.
Diversification au-delà des matières premières brutes
Le Congo tire environ 60 % de ses recettes d’exportation du pétrole brut. Les responsables affirment que la conversion du gaz torché en engrais et en méthanol augmentera les marges et protégera les revenus des fluctuations des prix du pétrole. Des installations pilotes doivent démarrer à Oyo en 2026, soutenues par le Fonds souverain national.
L’agro-industrie est un autre pilier. Le ministère de l’Agriculture prévoit de coupler de nouvelles usines de manioc avec des centres de stockage frigorifique le long du corridor RN1. Cela devrait réduire les pertes post-récolte, actuellement estimées à 25 %. L’amidon de manioc transformé connaît une demande croissante dans les industries plastique et alimentaire du Nigeria.
Les observateurs soulignent que la fiabilité de l’électricité reste cruciale. L’étude de faisabilité du projet hydroélectrique de 600 mégawatts de Sounda vient d’être finalisée. Si le financement est bouclé l’année prochaine, la centrale augmenterait la capacité de production nationale de près de moitié, atténuant les contraintes qui ont obligé certaines brasseries à importer des groupes électrogènes diesel.
La mise en œuvre testera les capacités institutionnelles
Les analystes politiques soulignent la nécessité d’un suivi cohérent. Un nouveau groupe de travail interministériel, présidé par le Premier ministre, devrait publier des tableaux de bord trimestriels.
En réponse aux demandes de transparence, le ministère a annoncé qu’un portail numérique sera mis en ligne en mars, cartographiant les incitations, la disponibilité des terrains et les exigences ESG. La plateforme s’intégrera au système de guichet unique des douanes qui a réduit de moitié le temps de dédouanement au port de Pointe-Noire.
L’optimisme reste de mise. « L’industrialisation n’est pas un slogan ; c’est l’épine dorsale de notre souveraineté », a-t-il été déclaré. Le succès dépendra d’un séquençage discipliné des projets et d’une collaboration continue avec les partenaires régionaux. Pour l’instant, l’ambition industrielle du Congo prend de l’ampleur, une politique après l’autre.