Scène mondiale des Mondiaux de Wuxi
Près d’un millier de combattants de 145 nations se sont réunis à Wuxi entre le 24 et le 30 octobre pour les 26e Championnats du Monde de Taekwondo, un tournoi considéré comme l’audition exigeante de ce sport avant Paris 2024. Parmi eux se tenaient deux compétiteurs déterminés arborant le rouge, le jaune et le vert du Congo.
Leur mission, aussi modeste soit-elle sur le papier, était cruciale : rappeler au circuit international que les dojangs de Brazzaville produisent des athlètes prêts à échanger des coups avec les puissances asiatiques et les équipes aguerries d’Europe. Chaque coup porté à Wuxi portait le poids des clubs locaux, des familles et d’une base de fans nationale grandissante.
Profils des espoirs du Congo
Walikemot Neem, 22 ans, un styliste élancé des -63 kg de Pointe-Noire, allie le jeu de jambes à un penchant pour les coups de pied appris sous la direction du Maître Mananga Olivier. À ses côtés se trouvait Bouassa Jonathan, 19 ans, natif de Brazzaville, combattant en -58 kg et connu pour ses rafales de contre-attaque qui surprennent les adversaires plus grands.
Les deux hommes ont obtenu leurs billets après avoir dominé les sélections nationales 2023 à Ouesso, qui ont rassemblé 180 combattants de 10 départements. Une collecte de fonds auprès d’entreprises locales a couvert les vols, tandis que le Ministère des Sports a fourni les tenues de sport et une modeste indemnité journalière.
Un encadrement technique de niveau international
Le tacticien chevronné Bazebizonza Floris, qui a suivi le cours international d’entraîneur de World Taekwondo à Séoul en 2021, a dirigé les instructions au coin du ring. Il a travaillé en tandem avec l’entraîneur adjoint national Mananga, se concentrant sur l’analyse vidéo des adversaires probables du premier tour, venant de Cuba et d’Espagne, lors de sessions nocturnes à l’hôtel de l’équipe.
L’objectif était l’expérience, pas encore les médailles. Le manager Me Rihan Adel a fait écho à cette position, ajoutant que chaque tour complété se traduirait par des points de classement supplémentaires au classement olympique.
Combats acharnés et billet pour le Grand Slam
Le tirage au sort fut impitoyable. Neem a débuté contre le champion d’Asie en titre iranien, Mohsen Rezaei, et a été éliminé 8-17 au tour des 32 après un rallye au troisième round qui a réduit l’écart initial. Peu après, Bouassa s’est incliné 10-16 face à l’Espagnol Adrián Vicente, lui-même classé dans le top quinze mondial.
Malgré les éliminations, le public de Wuxi a applaudi les Congolais pour leur escrime offensive et agressive, une qualité parfois absente chez les nouveaux venus. Le directeur du développement de World Taekwondo, Jeongkang Seo, a par la suite salué l’esprit combatif du duo, affirmant que leur présence prouvait que la profondeur de l’Afrique est plus grande que ce que suggère le tableau des médailles du continent.
Leur ténacité a valu une récompense inattendue : une invitation au Grand Slam Challenge de décembre, une vitrine de huit jours organisée sur les mêmes tapis de Wuxi et diffusée dans toute la région Asie-Pacifique. Les entraîneurs ont immédiatement accepté, y voyant une autre rare opportunité d’affronter l’écurie professionnelle coréenne et l’équipe financée par l’État chinois sans payer de frais d’inscription.
Matières financières : l’État et les sponsors interviennent
Le Ministère des Sports considère les arts martiaux comme des sports à faible coût offrant des victoires continentales rapides. Une note budgétaire officielle alloue 120 millions de francs CFA aux sports de combat en 2024, en hausse de dix pour cent, avec une ligne dédiée aux exonérations d’importation d’équipement.
L’opérateur de télécommunications Airtel Congo a quant à lui renouvelé un sponsoring de 30 millions de francs qui apposera sa marque sur les doboks des athlètes aux Jeux Africains d’Accra l’année prochaine.
La route vers Paris alimente les rêves de base
Neem et Bouassa vont maintenant se regrouper au Centre sportif de Kintélé, où un court stage avec l’entraîneur marocain Abdelaziz Si-Ali précédera le Grand Slam. Le succès à Wuxi pourrait améliorer suffisamment leur classement World Taekwondo pour sécuriser un quota continental pour Paris 2024.
Pour la fédération, une seule qualification olympique ferait écho à la participation historique de la nation avec Rosa Keleku à Rio 2016, inspirant des milliers de participants aux programmes scolaires. Cela change la psychologie. Les enfants commencent soudain à croire qu’ils peuvent enfiler le dobok et voyager plus loin que leur quartier.
Les parties prenantes mettent cependant en garde contre la perte de cet élan sans un suivi systématique. L’entraîneur Floris évoque le modèle sénégalais, où des championnats interclubs hebdomadaires maintiennent les athlètes en forme entre les grands événements. Il espère que les salles de sport du Congo pourront reproduire ce rythme afin que Wuxi devienne une marche à franchir.
Pour l’instant, les deux jeunes frappeurs chérissent le simple privilège de porter le drapeau. Entrer dans l’arène avec « Congo » dans le dos procure toujours des frissons. Le prochain combat, insiste-t-on, sera encore plus retentissant.