Le Fonds monétaire international (FMI) vient de publier ses perspectives économiques régionales annuelles pour l’Afrique subsaharienne. Dans un contexte de baisse de l’aide publique, de bouleversement du commerce international et des manifestations de la Gen Z, ce rapport vient analyser les mutations en cours.
: Que faut-il retenir de la croissance sur le continent ?
La croissance devrait enregistrer un léger regain en 2026 pour atteindre environ 4,4 % après s’être stabilisée à 4,1 % cette année et l’année passée. Cette résilience est favorisée par la stabilisation macroéconomique et des réformes en cours dans plusieurs pays. L’Éthiopie affiche un taux de croissance attendu de 7,6 % l’année prochaine, le Nigeria 4,2 %, et l’Ouganda 7,6 %. On peut citer également la bonne performance du Bénin et de la Côte d’Ivoire.
Comment expliquer ces bonnes performances ?
C’est notamment le résultat de politiques économiques courageuses dans certains pays. Par exemple, avec la réforme du marché des changes. C’est également dû à un environnement extérieur moins dégradé qu’on ne le pensait. L’effet de la hausse des droits de douane américain a été moindre que ce que nous anticipions lorsque nous avons fait nos prévisions en avril. Deuxièmement, pour les pays qui ont connu une croissance assez soutenue, certains ont pu bénéficier par exemple d’une amélioration des termes de change. Par exemple, le prix de l’once d’or a plus que doublé depuis 2022. Les prix du cacao et du café ont connu une hausse de presque 50 %.
Vous notez néanmoins que les résultats économiques seront plus faibles pour les pays riches en ressources naturelles. Pourquoi ?
Les pays riches en ressources naturelles dans la région ont souvent des économies très peu diversifiées et sont très exposés aux fluctuations des cours des matières premières. Pour les pays exportateurs de pétrole, le prix du Brent, qui était presque à 100 dollars au début de 2022, est aujourd’hui à environ 60 dollars, c’est une baisse de 36 %. C’est un choc négatif pour des pays comme l’Angola à l’économie très peu diversifiée.
Cette année a été inédite sur le plan économique, marquée par la baisse de l’aide publique au développement, la fin de l’USAID, la mise en place de tarifs douanier qui a acté la fin de l’AGOA (Loi sur la croissance et les possibilités en Afrique). Comment le continent a-t-il encaissé ces chocs successifs ?
En ce qui concerne l’aide publique bilatérale, elle pourrait baisser de l’ordre de 16 à 28 % cette année. Une tendance qui s’accélère et pourrait sévèrement affecter des pays comme la République centrafricaine, le Soudan du Sud, le Niger. Certains pays pourraient perdre jusqu’à 10 % de leurs recettes budgétaires. Ces États feront alors face à un choc, qui aura des conséquences pour le financement des services de base comme la santé, l’éducation et l’assistance humanitaire. Les conséquences humanitaires pourraient être significatives.
En ce qui concerne la hausse des droits de douane américains, nous continuons à analyser son impact sur les pays africains. Peu de pays africains exportent d’importants volumes de biens vers les États-Unis, et les exportations de produits énergétiques et de minerai restent exemptées. Le total des exportations de l’Afrique subsaharienne vers les États-Unis devrait baisser de 1 % seulement. Cependant, quelques pays fragiles et à bas revenus seront affectés d’une manière significative, notamment le Lesotho, qui exportent des produits textiles vers les États-Unis. Pour le Lesotho, cela représente 10 % de son PIB.
Les effets indirects de la politique commerciale seront eux plus importants, car ils incluent l’impact sur les pays africains d’une hausse de l’incertitude globale, d’un ralentissement de la croissance mondiale, d’une baisse des cours de matières premières comme le pétrole, d’un renchér