Le jubilé d’or renforce la diplomatie
Le 10 novembre à Luanda, le président congolais Denis Sassou N’Guesso a rencontré son homologue angolais João Lourenço en marge des célébrations du 50e anniversaire de l’indépendance de l’Angola, saisissant ce moment symbolique pour faire le point sur une relation souvent décrite par les diplomates comme l’un des moteurs discrets de l’Afrique centrale.
Le tête-à-tête, d’une durée d’un peu plus d’une heure selon les responsables, a porté sur le commerce, l’énergie, la défense et la mobilité, offrant aux deux dirigeants l’occasion de réaffirmer l' »excellence » des liens consacrés pour la première fois par un traité de 1976 et mis à jour par une série de protocoles de 2015.
Les dirigeants saluent un héritage de libération partagé
Dans une déclaration publique, le président Lourenço a salué le soutien précoce de Sassou N’Guesso aux mouvements de libération à travers l’Afrique australe, décrivant le dirigeant congolais comme « un allié constant dont la solidarité a raccourci notre chemin vers la souveraineté », des remarques qui ont suscité des applaudissements discrets des vétérans rassemblés pour la commémoration du jubilé.
Le rôle historique de Brazzaville en tant que base arrière de la lutte angolaise conserve un poids diplomatique, notent les analystes, créant un lien émotionnel qui facilite souvent les négociations, qu’il s’agisse des frontières maritimes contestées ou des règlements transfrontaliers pour le transport routier qui soutiennent le corridor logistique émergent Pointe-Noire-Cabinda.
Des traités de 1976 aux accords de 2015
L’échafaudage juridique de la coopération est dense. Un traité d’amitié et un accord-cadre économique signés en 1976 ont jeté les bases, élargies plus tard par dix accords paraphés en mars 2015 couvrant la formation militaire, les postes frontaliers communs, la marine marchande, le transport routier et l’exemption de visa pour les passeports diplomatiques.
Les responsables gouvernementaux indiquent que la mise en œuvre s’est accélérée en 2023, avec une plateforme douanière pilote à guichet unique au poste frontalier de Likouala-Cunene réduisant les délais de dédouanement de cinq jours à 36 heures.
Le ministère des Transports de Luanda, pour sa part, a signalé une augmentation de 12 % du volume du fret routier bilatéral au troisième trimestre, attribuant cette hausse à une simplification des formalités administratives et à la réouverture progressive des points de passage fermés pendant la pandémie, des chiffres qui correspondent aux données partagées par la Commission économique pour l’Afrique centrale.
Corridors économiques et flux énergétiques
La coopération énergétique a occupé une place importante. La société nationale pétrolière du Congo, la SNPC, et la Sonangol angolaise étudient la possibilité d’une étude conjointe sur les blocs offshore partagés à cheval sur la frontière maritime.
Au-delà des hydrocarbures, les dirigeants ont examiné les progrès de la ligne de transmission de 400 kilomètres Inga-Brazzaville-Luanda, un projet soutenu par la Banque africaine de développement qui permettrait d’acheminer l’excédent d’énergie hydroélectrique du futur barrage Inga III vers les deux économies et le Cameroun voisin.
Les économistes de Brazzaville soutiennent que de telles interconnexions pourraient stabiliser l’approvisionnement en électricité pour les industries émergentes le long du corridor économique, une idée reprise par la Chambre de commerce congolaise, qui anticipe une augmentation de 0,6 point de pourcentage de la croissance nationale une fois la ligne opérationnelle en 2027.
Parallèlement, les deux autorités portuaires ont signé une lettre d’intention pour lancer un service hebdomadaire de conteneurs reliant Pointe-Noire et Luanda, une mesure que les dirigeants du secteur maritime estiment pouvoir réduire les coûts de fret jusqu’à 18 % pour le ciment congolais et les exportations agricoles angolaises.
Sécurité frontalière et planification de la défense
La sécurité reste une préoccupation commune, en particulier autour de la frontière terrestre poreuse de 2 500 kilomètres qui traverse une forêt dense. Les ministres de la Défense se sont réunis pour la dernière fois en août, convenant d’étendre les patrouilles conjointes et les échanges de renseignements ciblant les réseaux de trafic d’animaux sauvages de plus en plus liés au crime organisé transnational.
À l’issue du tête-à-tête, le ministre des Affaires étrangères du Congo a déclaré que les deux présidents avaient « pris acte avec satisfaction » de la diminution des rapports d’incidents le long de la frontière, une baisse que les responsables attribuent à une ligne téléphonique directe lancée en avril permettant aux administrateurs locaux de coordonner des réponses rapides.
Ambitions régionales et continentales
En tant que président en exercice de l’Union africaine, Lourenço a profité de la réunion pour informer Sassou N’Guesso des priorités continentales, des négociations sur l’allègement de la dette à la feuille de route pour la Zone de libre-échange continentale africaine, soulignant la nécessité, selon ses termes, « de parler d’une seule voix centrafricaine à Addis-Abeba ».
Sassou N’Guesso, qui en 2021 a médié des discussions sur la Libye à la demande du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, a réitéré la disponibilité de Brazzaville à accueillir d’autres consultations si nécessaire, une position que les diplomates interprètent comme la preuve de l’ambition du Congo de rester un médiateur régional de confiance.
Les deux dirigeants ont également examiné les préparatifs de la COP28 de décembre à Dubaï, notant des positions convergentes sur la finance carbone et la protection de la forêt tropicale du bassin du Congo, le deuxième plus grand puits de carbone au monde, où le Congo et l’Angola partagent de vastes écosystèmes de tourbières vulnérables à l’exploitation forestière illégale.
Prochaines étapes pour l’axe Luanda-Brazzaville
Pour maintenir la dynamique, une commission mixte se réunira à Brazzaville début de l’année prochaine, les ministres des Affaires étrangères, des Finances et de l’Énergie étant chargés de finaliser les calendriers de la ligne électrique et d’élaborer un cadre de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles visant à faciliter la mobilité de la main-d’œuvre.
Pour l’instant, le symbolisme d’une poignée de main lors du jubilé d’or semble correspondre à des gains progressifs mais mesurables sur le terrain, renforçant l’opinion parmi les observateurs régionaux que l’axe Luanda-Brazzaville, bien que rarement sous les projecteurs, reste une pierre angulaire de la recherche de stabilité et de prospérité partagée en Afrique centrale.