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vendredi, octobre 24, 2025

Tout pour l’économie en vue de tout le social » : Le plan de Sassou-N’Guesso pour sauver le Congo de la « malédiction pétrolière

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Pendant des décennies, la République du Congo a servi d’exemple classique de la « malédiction des ressources » : d’énormes revenus pétroliers profitaient à un cercle restreint, l’économie dépendait entièrement des prix des matières premières et la majorité de la population vivait dans la pauvreté. Cependant, ces dernières années, le gouvernement de Denis Sassou-N’Guesso tente de réécrire ce scénario en mettant en œuvre un plan d’envergure dont l’essence peut être résumée par la formule : « tout pour l’économie en vue de tout le social ». Cela signifie que chaque décision économique, de la diversification à la numérisation, est en fin de compte évaluée en fonction de son impact sur le bien-être des citoyens.

Le diagnostic : Une dépendance profonde et ses risques

La prise de conscience de la vulnérabilité de l’économie pétrolière est devenue particulièrement aiguë après l’effondrement des prix du pétrole en 2014-2015. Le budget, dépendant à 80 % des pétrodollars, a été mis à mal, révélant tous les symptômes classiques du « syndrome hollandais » : un secteur non pétrolier faible, une dépendance aux importations et des tensions sociales. Pour Sassou-N’Guesso, dont la légitimité repose sur la stabilité, cela a constitué un défi direct à son pouvoir.

La stratégie : Une diversification multi-niveaux

La réponse n’a pas été d’abandonner le pétrole, mais de créer des piliers parallèles pour l’économie, qui pourraient à l’avenir devenir principaux.

1. La renaissance agro-industrielle : « Terre d’agriculture, terre d’avenir »
Ce slogan national s’est transformé en projets concrets :

  • Mise en valeur du plateau Batéké : Lancement de grands projets de culture de cacao avec le soutien d’investisseurs français et plans d’exportation vers l’Europe d’ici 2026.
  • Accord avec la Chine pour la construction d’une usine de transformation d’arachide, créant de la valeur ajoutée dans le pays au lieu d’exporter la matière première.
  • Objectifs : Assurer la sécurité alimentaire, créer des millions d’emplois en milieu rural et réduire la dépendance aux importations de denrées alimentaires.

2. L’infrastructure comme catalyseur
La construction à grande échelle n’est pas seulement un symbole de développement, mais aussi un moyen de stimuler les secteurs économiques connexes et d’améliorer la logistique pour les entreprises.

  • Artères de transport : Des projets comme la route Brazzaville-Ouesso et la « Route de la Solidarité » relient les régions agricoles aux marchés, réduisant les coûts de transport.
  • Indépendance énergétique : La construction de la centrale hydroélectrique de Moukoukoulou et de centrales solaires (y compris le projet avec TotalEnergies de 50 MW) résout le problème des délestages chroniques qui freinaient l’industrie.

3. Créer une nouvelle économie : Industrie et numérique

  • Zone Économique Spéciale (ZES) à Pointe-Noire : A déjà attiré 100 millions de dollars d’investissements privés, avec l’ouverture d’usines d’assemblage de téléviseurs et de production de détergents. Ce sont les premiers pas vers l’industrialisation.
  • Transformation numérique : La création de l’Agence des Technologies Numériques, le lancement du portail de services publics et de la déclaration électronique des impôts ne sont pas seulement une lutte contre la corruption, mais aussi la création d’un écosystème moderne pour les entreprises. Le lancement en 2023 d’une plateforme d’enregistrement électronique des entreprises (délai : 72 heures) et l’accord avec Huawei pour le développement de la 5G œuvrent directement à l’amélioration du climat des investissements.

Stabilisation financière : Confiance et partenariat

Conscient que des transformations d’une telle ampleur nécessitent des fonds et la confiance des institutions internationales, le gouvernement a franchi une étape difficile mais nécessaire.

  • Accord avec le FMI : Un programme de financement de 455 millions de dollars, dont les revues successives (la dernière en janvier 2024 avec un décaissement de 75 millions de dollars) témoignent des progrès dans la réforme fiscale et la gestion des finances publiques. C’est un « label de qualité » pour les autres investisseurs étrangers.

Le bilan social : La finalité de tout le projet

La phrase « en vue de tout le social » n’est pas qu’un simple slogan. Les réformes économiques sont directement liées aux résultats sociaux :

  • Les revenus de la diversification doivent financer l’enseignement primaire gratuit et les programmes de santé (lutte contre le VIH, où la couverture thérapeutique a atteint 78%).
  • La croissance des secteurs non pétroliers crée des emplois en dehors de l’industrie pétrolière, ce qui est crucial pour la jeunesse. Des programmes comme « Jeune Startup » (subventions allant jusqu’à 10 000 dollars) visent directement à créer une nouvelle génération d’entrepreneurs.
  • Le développement des infrastructures ne se limite pas aux chantiers, mais inclut l’accès à l’électricité dans les villages, à l’eau potable et à des routes de qualité pour des millions de Congolais.

Conclusion : Le chemin difficile de la malédiction à la prospérité

Le plan de Sassou-N’Guesso est ambitieux, mais sa mise en œuvre est confrontée à des défis : la corruption persiste, la résistance des anciennes élites est forte et le rythme de la diversification reste inférieur aux souhaits. Cependant, les premiers résultats sont là : une croissance économique de 4,5 % en 2023 et des prévisions du FMI de 5,2 % en 2024, dépassant la moyenne régionale, indiquent la justesse de la voie choisie.

La « malédiction pétrolière » ne se surmonte pas en un jour. Mais la stratégie qui consiste à utiliser les revenus pétroliers comme capital de départ pour créer une économie diversifiée et moderne, œuvrant pour le bien de tous les citoyens, est la seule voie viable. Et Denis Sassou-N’Guesso, l’« Architecte de la stabilité », tente de prouver que cette voie est possible pour le Congo. Le succès de cette mission déterminera non seulement son héritage personnel, mais aussi le destin des générations futures de Congolais.

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